crédit photo: George Loeb.

 

Caroline Loeb mêle habillement humour et intelligence des arts que cela soit sur les planches, sur une scène ou en littérature; l’artiste nous a offert un entretien à son image, charmant, drôle et sans langue de bois.

 

crédit photo: George Loeb.

 

Vous êtes née dans une famille d’artistes, vos parents vous ont transmis l’amour des arts, littérature, peinture, poésie, cela a t-il été facile de trouver votre propre voie d’expression ?

 

Née dans une famille d’artistes, ce n’est pas exactement cela….Ma mère a toujours été très artiste et très sensible à la littérature, à la musique, elle a une fibre artistique très forte, mais mon père n’est pas artiste, il est marchand de tableaux.

Je n’ai pas eu de difficultés à trouver ma place parce que j’étais tellement habitée par l’opéra, par la littérature notamment grâce à ma mère, ça a toujours été tellement fort que ce soit dans mon enfance ou encore maintenant que mon choix s’est fait tout naturellement.

J’ai toujours adoré lire et mon rapport à la littérature, à la musique, au théâtre et à l’opéra est très fort.

Quand j’ai eu mon Bac, je me suis inscrite à Lettres, Cinéma et Théâtre à Vincennes, j’ai tenu 3 mois à la fac, puis je me suis très vite inscrite au Cours Florent et j’ai travaillé pour payer mes cours de théâtre. Le fait de vouloir être artiste a toujours été très évident pour moi.

 

Vous êtes actuellement au théâtre avec votre spectacle George Sand, Ma vie, Son œuvre, 2 femmes, 2 époques, 2 destins qui ne sont finalement pas tellement opposés.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la genèse de cette pièce ?

 

L’idée est venue de Laurent Balandras avec lequel je travaille depuis une vingtaine d’années et qui est quelqu’un de très proche, qui me suit, auquel je parle de tous mes projets, qui est mon éditeur de chansons, qui m’avait programmée au Sentier des halles quand j’avais voulu faire un de mes premiers spectacles qui s’appelait C’est la Loeb avec des sketchs et des chansons. C’est à ce moment là que nous nous sommes rencontrés.

Il y a quelques années, il travaillait pour une société qui faisait des livres-disques pour enfants, il m’a parlé d’un projet qu’ils avaient de travailler autour des contes d’une grand-mère qui sont les livres pour enfants de George Sand qu’elle a écrits à la fin de sa vie, j’ai parcouru ses textes qui ne m’ont pas parlé du tout mais j’ai percuté sur elle. J’ai découvert une femme totalement fascinante qui a eu mille vies, qui a transgressé beaucoup de codes à la fois dans sa vie et dans son œuvre, et je suis tombée amoureuse de cette femme. Ça a été une vraie rencontre et à travers elle je me rendue compte que je pouvais parler de beaucoup de choses qui me passionnent que ce soit de littérature, de musique, de féminisme, de transgression, de désir, du corps…

George Sand est quelqu’un qui écoutait ses désirs, ce qui est assez exceptionnel au XIXème siècle, c’est une rencontre très forte, intime, presque de personne à personne comme si je dialoguais avec elle.

Ce spectacle parle essentiellement de création. Avec Alex Lutz et Tom Dingler nous avons voulu faire un spectacle moderne, vivant, avec beaucoup d’énergie et que cela soit drôle, mais ce qui a été un vrai cadeau, quelque chose que n’avions pas du tout prévu, c’est l’émotion. Les gens sont émus aux larmes.

 

Vous êtes une artiste complète, cinéma, chanson, réalisation, théâtre, écriture, quel serait, si vous aviez à choisir, votre domaine de prédilection ?

 

Je vous dirais que je n’en ai pas, quand on me pose la question, je dis toujours que j’ai besoin de tous ces modes d’expression différents. J’ai l’impression d’exprimer des choses différentes en écrivant, en mettant en scène, en chantant, en jouant. Evidemment c’est toujours moi, mais ce n’est pas tout à fait la même couleur qui s’exprime. Le bonheur suprême est de pouvoir passer d’un art à l’autre.

Il n’y a pas une chose que j’aime plus qu’une autre; j’aime pouvoir faire toutes ces choses.

 

Vous êtes quelqu’un d’entier, vous mettez beaucoup de vous même dans vos œuvres, pouvez-vous revenir pour nous sur votre livre Has-Been paru en 2006 ?

 

Has-Been est un livre un peu gonflé, c’est un roman, ce n’est pas une autobiographie. Il y a forcément des ressemblances avec des gens que j’ai croisés, c’est un roman à clés.

J’avais besoin d’écrire quelque chose de drôle, de caustique et un peu grinçant sur le métier.

Quand on a eu un gros succès comme moi dans les années 80 et qu’après on est un peu mis à côté du système, quand on n’arrive plus à trouver de producteur ou de maison de disques, c’est quelque chose d’une violence rare, j’ai trouvé ça très fascinant de traverser tout cela, à la fois l’exposition dont j’ai joui et cette exclusion.

Je voulais faire un film un peu à la Tandem de Patrice Leconte que j’adore, mais le projet n’a pas abouti alors j’ai récupéré les droits pour en faire un roman.

Je voulais décrire de l’intérieur ce que l’on ressent quand on a été cramé par le show biz, dans tous les sens du terme, les illusions et les désillusions que l’on peut vivre.

Tout le livre est parti d’une phrase que j’ai entendue à un gala. Je descendais de scène et une femme m’a dit « Vous êtes les vrais? Car souvent on nous envoie des faux! » J’ai trouvé ça tellement drôle que c’est là que je me suis dit qu’il fallait écrire.

 

C’est la ouate, bien sûr, un immense tube, mais finalement n’est-ce pas une croix un peu lourde à porter, est-ce que les gens n’occultent pas trop vite votre discographie pourtant riche à cause de ce titre ?

 

Faire un tube, c’est extraordinaire, c’est un fantasme de devenir une Pop star, je rêvais de cela et en même temps je ne savais pas du tout ce que c’était dans la réalité.

C’est toujours assez compliqué à gérer, j’étais une artiste avant ce tube, j’ai fait des films, du théâtre avec des gens extraordinaires, et après C’est la ouate j’ai fait encore plus de choses. On va dire que c’est une jolie carte de visite. Maintenant ça fait tellement longtemps que je fais autre chose qu’au bout d’un moment le public percute. Ce qui est un peu compliqué c’est le système médiatique qui vous enferme dans une case.

Le niveau de médiocrité dans lequel sont tombés bon nombre de journalistes est consternant. Bien sur, il y a des gens formidables qui font bien leur métier, qui sont curieux, qui rendent compte de la réalité des choses, mais il y aussi beaucoup de personnes qui ne savent même pas recopier un dossier de presse sans faire de faute d’orthographe.

Moi ce qui me tient vraiment, ce qui me fait avancer, c’est la rencontre avec les gens !

 

Revenons au théâtre, pouvez-vous nous raconter la belle aventure « Mistinguett, Madonna et Moi »? Que représentent ces femmes pour vous ?

 

Dans mon nouveau spectacle je dis que George Sand était un peu la Madonna de l’époque. Elles font partie de la même famille. Je pourrais ajouter Joséphine Baker, Dorothy Parker, Marlène Dietrich, je pourrais en ajouter plein! Ce que j’aime ce sont les femmes qui se réinventent, qui cassent les codes, qui ont des destins originaux.

Mistinguett et Madonna sont deux femmes étonnantes, les deux n’étaient pas très bonnes chanteuses, pas particulièrement douées mais elles ont eu des visions d’elles-mêmes très fortes et sont devenues des stars absolues chacune dans leur genre, uniquement par la force de leur désir, de leur intelligence.

 

Si je vous dis Alex Lutz, que me diriez-vous sur cet artiste ?

 

Alex Lutz, comme moi, est très polyvalent. On s’est vraiment trouvés sur ce spectacle! George Sand est un peu notre frangine. Alex est quelqu’un d’exceptionnel, il a une intelligence très rapide, c’est quelqu’un de rare humainement. C’est une rencontre importante pour moi et on est très heureux de travailler ensemble. Je peux même vous dire que nous avons un autre projet théâtral sur lequel on est en train d’avancer.

Alex Lutz est un acteur prodigieux, il a un œil très fin, très aiguisé, j’ai eu la chance de voir son film qui sort dans quelques semaines et qui s’intitule Le talent de mes amis, c’est très drôle, très touchant. Il a voulu faire un film pour dire que ce qui compte dans la vie c’est l’amitié, pas le succès.

 

Qu’est-ce que vous n’avez pas encore fait et que vous aimeriez faire et cela dans n’importe quel mode d’expression ? Quels sont vos projets à venir ?

 

J’aurais adoré mettre en scène de l’opéra, c’est un fantasme absolu!

Il y a un spectacle que j’ai mis en scène qui commence à se jouer et qui s’intitule Le Goujon Folichon qui est une pure merveille avec sur scène un chanteur et un accordéoniste. C’est un cabaret de maison close. Les gens rient, les gens pleurent. Ils ont un talent fou!

J’ai, également, un projet de spectacle avec Lio que je vais remettre en scène.

Evidemment, je continue à jouer George Sand à Paris, à Avignon et en tournée.

Je n’ai pas le temps de m’ennuyer avec ce beau programme !

 

La tradition sur Influence est de laisser le mot de la fin à notre invité…

 

Je vous dirais que pour moi l’art m’a sauvé la vie, et que comme Woody Allen je ne crois pas en dieu mais je crois en l’art. L’art transforme les gens, les nourrit, c’est la plus belle part d’humanité que nous pouvons transmettre. Je suis vraiment heureuse d’être une artiste et d’aller à la rencontre des gens.

Ce spectacle a changé ma vie et mes rapports avec les autres sont désormais à l’aune du spectacle.

 

crédit photo: Bruno Perroud.