Il y a des personnes qui marquent votre vie, des personnes que l’on n’oublie jamais Georges Grard en fait partie…

 

Je vous ai connu instituteur dans les années 80 (Georges ayant été mon maître de Ce2 en 88/89), Comment s’est opérée cette reconversion dans le milieu artistique ? Ce souhait était il déjà présent ? Cela s’est-il fait progressivement ?

 

A vrai dire, je n’avais pas de plan de carrière, j’ai été footballeur, j’ai très brièvement travaillé dans une banque aussi, avant de devenir instituteur.

L’écriture est une envie naturelle qui m’a été transmise par un artiste comme Jean Ferrat. Son disque « Jean Ferrat chante Aragon » a été un révélateur pour moi, il m’a donné le goût , l’envie de culture. A son écoute, la voix m’a inondé, les mots m’ont transporté.. J’avais 14 ans et j’ai plongé avec un appétit insatiable dans le monde de l’écrit et du mot… J’ai découvert Boris Vian, Apollinaire, Desnos, Garcia Lorca ou Brassens. Jusqu’à Frédéric Dard !

Je suis depuis toujours ouvert à toutes formes de cultures : les livres mais aussi la culture Rock, la Chanson Française, le cinéma…Les mots ont le pouvoir de transformer la vie, de nous faire voyager, de nous émouvoir, nous attendrir, de nous faire rire et de nous émerveiller !

Il n’y a pas de dissonance entre le métier d’instituteur et ce que je fais aujourd’hui, j’ai quitté progressivement l’enseignement pour me consacrer à l’écriture… sans regret ni remord !

J’ai de merveilleux souvenirs de cette époque. Nous écrivions avec les enfants de ma classe des pièces de théâtre, on a même réalisé un film qui est devenu plus tard un livre « Aujourd’hui : promotion » où on vend les enfants dans les supermarchés… En 1993, nous avions gagné le Prix national du Meilleur journal de classe avec « Les Fesses à L’Air », un titre qui m’a occasionné de multiples problèmes avec la hiérarchie de l’Education Nationale qui ne s’était même pas penchée sur le contenu du journal. Cette récompense fut un joli pied de nez à tous ces pseudo pédagogues ! Et puis, un jour, un enfant de ma classe m’a demandé ce que je pouvais faire pour lutter contre le chômage et cela m’a bloqué. Alors, le lendemain, je me suis présenté en Blagagiste avec un blagage à la main. J’ai raconté des blagues mais au bout d’une demi-heure, toute la classe m’a réclamé un métier farfelu… Mon premier livre, L’Alphabet des métiers farfelus, était né !

 

Pouvez vous nous en dire plus sur votre maison d’édition Grrr…art ?

 

Je l’ai crée en Janvier 1999 et ma première parution a été justement L’Alphabet des métiers farfelus.

Dès la création, je ne voulais pas me limiter à de l’auto édition mais donner leur chance à d’autres auteurs et illustrateurs ! Je ne fonctionne qu’aux coups de cœur !Et des coups de cœurs, j’en ai eu depuis 16 ans !

Mes premières publications ont été les livres Antoine et la poubelle de Martine Gaurat et Jacques Lemonnier, Il était une fois moi un footballeur, moi une princesse c’est un livre à double entrée que j’ai écrit, les héros se rejoignaient au milieu, et ma quatrième publication fût celle de mon ami Jean Paul Rouland avec ses Dégustations zygophiles .

Chez Grrr…art, il y a de tout,(Plus de 150 titres ), des albums jeunesse, des romans, des autobiographies, des livres d’humour, des bandes dessinées, de la poésie (collection Plume(s))…

Le choix est large et fort, l’esprit est familial, de l’humour avec un supplément d’âme et d’humanisme. et j’ajouterais que nous fidélisons nos auteurs.

Nous avons des auteurs historiques, notamment Olivier Desmoulins ( 6 romans + 6 livres sur les clubs de Football ), Albert Labbouz , Jean Jacques Thibaud dans le registre de l’humour, pour la petite enfance je pense à Pascale Pavy, pour la jeunesse Bruno Bonvallet, Emmanuel Parmentier qui ont 5 livres édités chez Grrr…art. Mais il y a aussi les illustrateurs comme Alexis Ferrier ( fils de PEF le Prince des mots tordus), Julie Petit, Alain Mathiot (avec qui nous réalisons les aventures de « Proutman ») et Jak, l’ami et le complice (le dessinateur des séries de « Léo et Lu » et de  « la bande à, Ed ». Je ne voudrais pas oublier mes autres coups de cœur : Jean Sarrus des Charlots, Alain Turban ou Philippe Clair et tous las autres…

 

Votre première collection de BD Léo et Lu est inspirée de vos enfants Léopold et Lucie, qu’en ont ils pensé ?

 

J’avais organisé une initiation BD dans ma classe, et sur 32 élèves 31 ont apporté comme BD préférée Titeuf et le 32ème un Asterix, je me suis dit pourquoi ne pas créer quelque chose de nouveau, qui vise au-dessus de la ceinture…

Mes enfants n’ont pas été au courant de l’élaboration de cette bande dessinée. Etant divorcé, c’était pour moi comme leur envoyer une carte d’amour..

Quand ils ont reçu cette BD, ils ont été « pleurieurs », un mélange de pleurs et de rires les a secoués !

C’était un clin d’œil et un hommage à mes enfants mais je voulais que toutes les fratries puissent se reconnaître dans Léo et Lu.. C’est la BD familiale par excellence des gags vifs, rapides et claquants sous formes de nombreux strips. Le succès est arrivé très vite. Les enfants se sont reconnus dans cette relation frère et sœur… Nous en sommes à plus de 100 000 ventes et 7 tomes aujourd’hui !

 

 

Pouvez vous nous parler de la genèse de la BD La Bande à Ed qui a pour sujet les enfants handicapés ?

 

Avec jak, cette Bd est notre fierté ! « La bande à Ed »est la première BD familiale avec des héros handicapés, c’est une fierté de l’avoir réalisée et réussie car le monde du handicap se l’est appropriée Les objectifs étaient que les enfants en situation de handicap se disent « Enfin, des héros qui nous ressemblent !», que les enfants valides pensent « Qu’est-ce que j’aimerais faire partie de cette bande joyeuse ! » et que les adultes « Tiens, ce sont des enfants qu’on aimeraient avoir ! » les enfants se disant Génial enfin des héros qui nous ressemblent.

La genèse de la BD ? J’ai eu dans ma classe un enfant handicapé moteur, mais comme ma classe à l’étage n’était pas adaptée, Adrien n’a passé qu’une dizaine de jours chez nous avant qu’on lui trouve un établissement en conformité. Avant de partir, il m’a dit : « On parle de nous les handicapés mais on ne nous montre jamais ! ». Ed a vécu en moi dès cet instant et comme tout gamin je lui ai agrémenté des copains. Je ne voulais pas me limiter au handicap moteur donc j’ai décidé que chacun de la bande aurait une problématique : Sam est obèse, Gad est nain, Chang est mal-voyant et Tommy est dans le disfonctionnement c’est le handicap invisible. Toute cette bande où l’amitié est forte, est complétée par Katty, belle, valide et « nanamoureuse » d’Ed.

On rit avec eux, pour eux, mais jamais contre eux.

Ed a un côté rebelle ; joyeux et espiègle, il a une vraie envie de croquer la vie, et je vais vous faire une confidence dans toute mon œuvre c’est le personnage qui me ressemble le plus.

 

Depuis il y a également un magazine qui a été crée et qui parle de tous les handicapes, L’Handispensable

 

Le premier numéro est sorti en juin 2014, c’est une parution trimestrielle, par abonnement ou en vente à l’unité sur le site web Grrr…art. (grrrart-editions.fr)

C’est le prolongement de La Bande à Ed.

J’avais fait le constat qu’il manquait un magazine ouvert, positif et joyeux autour des handicaps.

Nous abordons des sujets culturels, sportifs, touristiques, nous partons également à la rencontre d’anonymes qui sont dans le combat pour la réussite, et de gens connus qui ont réussi malgré/grâce à leur handicap.

L’Handispensable n’est pas un magazine mode d’emploi mais un magazine mode de vie.

 

Où trouvez vous l’inspiration pour écrire en plus des articles, des livres, des pièces de théâtre ? Le mode d’écriture doit être totalement différent ?

 

C’est ça qui est exaltant, passer d’un album jeunesse comme Géo et la planète tout couleurs parlant du métissage, à une Bd comme Proutman T4 Le vent de l’histoire, en passant par la magazine ou un projet de pièce dramatique sur la fin de vie d’Hitler …

J’adore faire le grand écart littéraire, j’ai horreur d’être enfermé dans une case ou qu’on me colle une étiquette, j’ai envie d’être tout à la fois et surtout de croquer la vie à pleine dent.

Un auteur c’est une éponge, dans la vie on est secoués par des émotions, des peines, des colères, des joies, quand j’écris je me tords l’esprit, et de la pointe de mon stylo ce sont des gouttes d’encre qui forment sur le papier des mots, des phrases et des histoires.

 

Votre actualité c’est la pièce de théâtre Palier de décompression jouée au Théâtre du Gymnase à Paris, Pouvez vous nous parler de votre co-auteur Jean-Jacques Thibaud ? Comment s’est passé le travail d’écriture à deux ? Le sujet c’est du vécu ? Le choix des acteurs a t il été facile ?

 

Source: JJ Thibaud

 

Mon comparse Jean Jacques Thibaud est un ciseleur des mots, il aime la langue Française, le bon mot et l’utilise à bon escient, il a été parolier de nombreux artistes Catherine Lara ( 4 albums ) , Marie Paule Belle, Fabienne Thibeault, Wazoo

Il a travaillé également sur France Télévision Jeunesse, il écrit des livres d’aphorismes, il a le sens et l’amour des mots. Je pense qu’en terme d’aphorismes, il est l’un des meilleurs en France. Ses pensées humoristiques apportent une réflexion philosophique hors du commun.

C’est aussi le roi des mots valises, en novembre 2014 est sorti son livre Quand les mots tirent la langue vers le Oh, véritable dictionnaire du genre, et pour la première fois au monde, il a inclu 70 pages de jeux sur les mots valises.

Notre rencontre s’est faite en 2003 lors de la publication de son premier ouvrage J’m’plaisante, nous avons fait 4 bandes dessinées ensemble dont la série « Les 40 plus grandes qualités des femmes » suivis des « …hommes »..

Nous sommes amis, amoureux des mots, partenaires dans l’écrit et l’esprit. Nous nous complétons, Je suis la fantaisie, il est la rigueur. Il est surtout un ami talentueux !

Pour ce qui est de la pièce, oui, il y a toujours une part de vécu bien sûr.

 

Nous avons fait passer des castings pour le choix des acteurs, Valérie Decobert ( Fred de Caméra Café notamment ) nous a enthousiasmés d’entrée de jeu, le choix s’est de suite porté sur elle. C’est une comédienne feu d’artifices, capable de tous les débordements avec une intensité rare, et, ce qui ne gâche rien, elle est folle amoureuse de la pièce.

Pour le comédien qui allait partager la scène avec elle, il fallait quelqu’un qui tienne debout, qui envoie du lourd, et qui existe surtout.

La nécessité étant que le couple existe d’emblée pour les spectateurs, que ce soit un couple lumineux. Christophe Meynet qui fait partie de la bande à Edouard Baer est arrivé, et ils se sont choisis eux-mêmes. C’est un comédien généreux, vrai et performant, et un vrai gentil. J’ai beaucoup d’empathie pour lui ! Ils font magnifiquement vivre les mots, les silences, les ressentiments et les mouvements. Je salue la mise en scène de Nathalie Vierne… Vous avez compris que cette pièce est une réjouissance de tous les instants. C’est une comédie qui apporte rires, réflexions et émotions. Un moment rare !

 

 

Quels sont vos autres projets cette année ?

 

Ce sont des projets de continuité en bandes dessinées, le Tome 8 de Léo et Lu, le Tome 3 de Proutman, une BD sur les chiens guides d’aveugles avec Jak et mon fils Léopold, continuer mes coups de cœur, faire vivre le magazine L’Handispensable dans lequel on évite le pathos, le pathologique et le médical pour se consacrer à la vie plurielle et à l’acceptation de la différence !.

 

Notre tradition sur Influence est de vous laisser le mot de la fin.

Je me sens un auteur engagé mais pas militant autour du droit à la différence. Et sur mon épitaphe, j’aimerais qu’on inscrive :

Ma dernière volonté ? VIVRE !