« Comme si de rien n’était« : le titre du troisième album de Carla Bruni Sarkozy, épouse du Président français, sonne comme un paradoxe tant sa sortie, le 11 juillet, est précédée d’une effervescence inédite et d’un entremêlement des champs artistique et politique lié au statut de première dame de la chanteuse. Un statut qui n’est pas simple à gérer pour une artiste.

Naïve et VMA, l’agent artistique de Carla Bruni, ont avancé de dix jours la date de sortie initialement prévue, après la parution d’articles dans la presse au terme des premières écoutes organisées pour les journalistes début juin. Les médias sont friands du sujet Bruni: depuis juin, elle est apparue en couverture du Nouvel Observateur, du Point, de Marianne, de L’Express, qui fait sa dernière Une sur « le système Carla », de Point de Vue, Closer, Gala ou VSD.

Fin juin, elle a accordé une interview exclusive à Libération, le quotidien de gauche, sa famille politique d’origine. Elle est annoncée au journal de 20H00 de TF1 le jour de la sortie de son disque puis le 7 septembre dans l’émission de Michel Drucker « Vivement Dimanche » sur France 2. La plupart des médias abordent le sujet sous le double angle artistique et politique. Car depuis son mariage avec Nicolas Sarkozy début février, Carla Bruni fait partie intégrante de l’image publique du chef de l’Etat. C’est d’ailleurs en raison de son statut qu’elle ne pourra pas partir en tournée pour présenter son nouvel album.

Dans un sondage publié par L’Express, 55% des personnes interrogées jugent que Nicolas Sarkozy « utilise son épouse pour son image personnelle ». Cette omniprésence provoque des grincements de dents, à l’image de Marianne qui s’insurge: « Opération Carla. Trop, c’est trop! ». Après la Une et l’interview dans Libération, le site internet du quotidien a été inondé de messages dont « 80% environ » de réactions « de rejet, de fureur, de dégoût, de condamnation, de mépris », selon le journal. Mais ses ventes ont explosé de plus de 40%.

En février, la première interview de la nouvelle Mme Sarkozy avait permis à L’Express d’écouler près 600.000 exemplaires, un record. Même s’il est difficile de mesurer l’impact de Carla Bruni, l' »univers » Sarkozy « fait vendre », estime Patrick Bartement, le directeur de l’OJD, l’organisme qui contrôle la diffusion de la presse. « Un chiffre prudent que j’ai entendu chez beaucoup d’éditeurs people et news magazine, c’est qu’une couverture réussie sur l’univers Sarkozy donne 10 à 15% de plus en vente », indique-t-il.

Pour les critiques musicaux, ce cas d’école s’est souvent transformé en casse-tête. Télérama a raconté dans ses colonnes que le sujet avait provoqué « moult débats » dans la rédaction: « On aura beau vouloir se barricader dans une forteresse d’objectivité, on ne pourra pas se déconnecter d’un contexte médiatico-politique omniprésent, ni s’interdire d’interpréter des chansons aux échos forcément publics ». Les Inrockuptibles, qui avaient consacré des couvertures à Carla Bruni pour ses précédents disques, n’écriront cette fois qu’une chronique, sans interview.

Il y a eu un « débat entre ceux qui disaient qu’on ne pouvait plus parler d’elle et ceux qui pensaient que c’était un bon disque et que c’était dommage de ne pas en parler », explique le directeur-adjoint de la rédaction, Jean-Daniel Beauvallet, qui ajoute: « Ce que je ne voulais pas, c’était dégommer le disque pour ce qu’elle était ». « On a choisi d’être très hypocrite, en tout cas très monomaniaque et de ne parler strictement que du disque » du point de vue musical, indique-t-il, tout en reconnaissant que c’est « très difficile, un véritable exercice de style ».

Autre casse-tête pour la maison de disques est le télégargement illégal, l’album se trouvait déjà sur certains sites…